Libre

Tout ce qui touche à la création sous quelque forme que ce soit, du pâtissier au musicien, de l’écrivain au cordonnier, du menuisier au sculpteur, etc…

Ça me fascine, le reste m’ennuie. 

Transformer quelque chose en autre chose est un acte magique dont l’essence est de donner du plaisir. 

On pourrait croire que nous sommes des salopes, on donne du plaisir contre de l’argent, mais en fait pas tellement.

Il n’y a pas une fois ou je ne l’ai fait sans aller au delà des attentes. Au delà de la règle. Il n’y a pas de création autrement. Dès que l’on commence à désobéir on donne du plaisir.

C’est pour ça que l’architecture m’ennuie, elle ne désobéit jamais. J’aime les cabanes et les ruines pour ça. Avec elles, on est libres de prendre le plaisir de nos désirs…

Quand on crée, on creuse, on racle, on tente, on confronte, on râle, on échappe à la surface, on s’enfouit dans la terre comme un animal qui s’y vautre, on fouille les entrailles et on nage dedans vers les abîmes, vers la source, vers la lumière en traversant des ombres, vers une force, une évidence, une vérité. Ce vertige te saisit, il te donne aussi ton propre plaisir et, à cet instant, tu t’en fous complètement des autres, tu penses à ce que tu fais et rien d’autre et c’est trop bon, cet absolu présent, tu es dans le réel, dans la fusion ente le réel et l’imaginaire, et tu essaies encore, tu vas encore plus loin, tu t’échines, te casses les dents et soudain l’arc se tend et tout devient évident.

Alors c’est prêt, le calme revient, la rivière s’apaise et tu l’offres, et tu sais pourtant qu’ils ne pourront pas même le recevoir sans comprendre  par tout ce que toi tu as traversé avant d’arriver là. 

Le miracle se produit presque à chaque fois. Presque à chaque projet, jamais il ne m’a blasé. Pas une seule fois.

La création c’est être intranquille sinon on ne crée rien. Si c’est çà être artiste alors je le suis, en quoi cela serait il incompatible avec mon métier d’architecte ?

Je ne suis pas un artisan. Je me contre fous et même refuse de refaire la même chose à l’identique. Ça c’est de l’artisanat. Je n’ai que faire de mouler  le même bol en céramique dont le seul défaut est la bulle d’argile imprévue pour les distinguer. Je ne suis spécialiste de rien, je n’ai pas d’outil, ni peinture ni marteau, ni bite ni couteau.. 

Rien, ma tête et mon intuition. Non mon intuition et ma tête. 

Alors les choses deviennent claires. Je ne suis pas une marque, je-ne-sais-quoi, je ne sais pas ce que je vais trouver, on ne peut pas me cantonner même si on essaie, architecte frichier, le truc qui ne veut rien dire. J’aime, je crée pour tisser des liens, c’est le même mot qu’être li!bre.

Alors on ne peut pas acheter la liberté. Elle n’a pas de prix, pas de limite. Je fais de l’architecture pour projeter un monde et y trouver ma place, pas comme un loisir ou un bizness. Alors je cherche, je cherche encore. Trouver des terrains d’exploration devient de plus ne plus dur parce qu’il ne sont plus dupes. Ils le sentent. Tout est fait pour nuire à la liberté. C’est ça mon combat, me battre pour aimer, tant que je pourrai, je continuerai.

Matthieu Poitevin